Alors qu’il est poursuivi pour extorsion de fonds, un magistrat a formulé un recours devant la cour constitutionnelle contre la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme(CRIET) et contre la chambre judiciaire de la cour suprême.
La cour constitutionnelle est saisie d’un recours pour détention arbitraire et violation de droit humain. Le requérant est un magistrat déposé à la prison civile de Missérété pour une affaire d’extorsion de fonds. Dans son recours adressé contre la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme et contre la chambre judiciaire de la cour suprême, le praticien de droit dénonce la violation de ses droits.
Le magistrat en question s’appuie sur l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui stipule que « Tout individu à droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement ».
Les clarifications du procureur sur ce dossier d’extorsion de fonds
A l’éclatement du dossier, le procureur spécial de la CRIET est monté au créneau pour apporter des clarifications. Dans son point de presse, il a laissé entendre que des informations persistantes font état de ce que les juridictions béninoises sont quotidiennement prises d’assaut par des individus qui, se prévalant de leur proximité plus ou moins avérée avec certains magistrats, servent d’intermédiaires ou se font remettre des sommes d’argent par des justiciables ou leurs parents contre la promesse de faire triompher leurs causes devant nos cours et tribunaux.
Le parquet spécial près la CRIET a déjà initié des poursuites contre des personnes impliquées dans ce genre de trafics. Certaines ont été condamnées à de lourdes peines, d’autres sont dans l’attente de leur jugement.
C’est dans ce contexte que le 07 décembre 2022, le Garde des Sceaux a reçu la plainte d’une justiciable relative à des faits présumés de tentative d’extorsion de fonds en lien avec une procédure judiciaire en cours.
L’intéressée y expose que son époux poursuivi comme elle-même en flagrant délit, par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, est détenu depuis le 21 novembre 2022 pour des faits d’abus de confiance portant sur la somme de 84 000 000 FCFA.
Dans cet établissement pénitentiaire, son époux a été approché par un autre détenu qui lui a fait la promesse de mettre à contribution son réseau dans le milieu judiciaire pour lui obtenir une remise en liberté dès la première évocation de son dossier à l’audience du 07 décembre 2022.
Dans cette optique, ce dernier a fait appel à une intermédiaire qui s’est rendue à la prison civile de Cotonou. L’intermédiaire a exigé le versement d’une somme de FCFA 250 000 destinée à organiser un déjeuner au profit des magistrats en charge de la procédure. Elle devait profiter de ce déjeuner pour négocier la libération.
Mise à part cette somme, le détenu devait lui verser quatre millions de FCFA à remettre aux magistrats pour sceller l’affaire. La somme de 250 000 FCFA a été effectivement versée. Par contre, sur les quatre millions de FCFA exigés pour les magistrats, le détenu n’a pu réunir qu’un million. En recevant cette somme, l’intermédiaire aurait manifesté son mécontentement et aurait indiqué que le dossier serait renvoyé jusqu’au paiement intégral.
Advenu le jour du procès, la demande de mise en liberté provisoire formulée par le détenu a été rejetée et l’audience a été renvoyée au 11 janvier 2023 en vue du désintéressement de la victime des faits présumés d’abus de confiance.
Percevant dans le rejet de la demande de mise en liberté provisoire de son époux et le renvoi de la cause, une mesure de représailles, la plaignante a dénoncé les faits au Garde des Sceaux, lequel a chargé l’un de ses collaborateurs, magistrat, de lui faire un rapport sur la procédure en vue de la saisine éventuelle de l’Inspection des services judiciaires.
Ce collaborateur, après avoir pris connaissance du dossier aurait suggéré à la plaignante de mobiliser afin d’obtenir la libération de son époux, la somme de CFA 60 000 000 décomposée comme suit :
– 53.000.000 pour désintéresser la victime ;
– et 7.000.000 pour ses collègues en charge de la procédure.
Vu la gravité de ces faits et leur récurrence, nous avons ouvert une enquête qui a mis en cause quatre magistrats dont il s’avère que trois sont des proches de l’intermédiaire.
Présentés à notre parquet au terme de l’enquête, l’intermédiaire ainsi que le détenu l’ayant mis en contact avec l’époux de la plaignante ont été placés sous mandat de dépôt en même temps que deux magistrats. Les deux autres magistrats sont poursuivis sans mandat. Il est à préciser que les chefs de poursuite sont l’abus de fonction, la tentative de corruption d’agent public et l’escroquerie. Ces infractions sont sévèrement punies par la législation béninoise. Les peines varient entre cinq et vingt ans de réclusion criminelle. En présence de circonstances aggravantes ces faits sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.