Ce lundi 07 Avril 2025 au Tribunal de Première Instance de Cotonou, Julien AKPAKI, ancien Directeur Général de l’ORTB, a comparu comme témoin dans le cadre du procès sur la disparition de Pierre Urbain DANGNIVO. Face au juge, il livre un témoignage inédit sur ses liens avec les protagonistes de l’affaire et les circonstances ayant conduit à l’arrestation de Donatien AMOUSSOU.
À l’ouverture de l’audience, le Président du tribunal demande à Julien AKPAKI de lever la main droite pour prêter serment. L’homme, qui se présente comme ingénieur des télécommunications et ancien directeur général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB), accepte l’exercice avec solennité
Une rencontre fortuite avec les frères Amoussou
Interrogé sur sa connaissance des prévenus, Julien AKPAKI reconnaît Donatien AMOUSSOU. Il raconte avoir reçu, dans son bureau de l’ORTB, Auguste AMOUSSOU, le frère aîné de Donatien. Celui-ci affirmait disposer d’informations sur la disparition d’un véhicule – une affaire qui avait été relayée à l’époque par les bandes filantes de l’ORTB.
Mise en relation avec la présidence
Face à la sensibilité du dossier, Julien AKPAKI déclare avoir mis Auguste AMOUSSOU en contact avec le colonel Séverin KOUMASSEGBO, alors chef de la sécurité présidentielle. Une rencontre est organisée à la présidence, où Auguste AMOUSSOU se présente accompagné de son frère Donatien et d’un ressortissant camerounais dont le nom échappe à AKPAKI.
Une arrestation inattendue
Quelques jours après cette rencontre, Julien AKPAKI est informé par Auguste AMOUSSOU de l’arrestation de son frère Donatien. Une surprise totale pour l’ancien DG, qui affirme n’avoir eu aucun contact régulier avec les protagonistes. Il précise qu’il n’a jamais partagé un repas ou eu des relations personnelles avec eux.
Des précisions sur les services impliqués
Lors de son audition, le ministère public cherche à savoir si l’ancien directeur avait mis Amoussou en relation avec les services de renseignement. Ce dernier nie : « Je l’ai mis en relation uniquement avec le colonel KOUMASSEGBO. Je ne connaissais pas Auguste AMOUSSOU, c’est lui qui me connaissait en tant que DG de l’ORTB. »
Une affaire toujours pleine de zones d’ombre
Julien AKPAKI conclut son témoignage en précisant qu’à l’époque, il n’avait pas connaissance de la disparition de Pierre Urbain DANGNIVO, mais uniquement de celle d’un véhicule, dont les détails (couleur, immatriculation) figuraient sur les bandeaux d’information de la télévision nationale. Un témoignage qui, s’il n’apporte pas de révélation décisive, éclaire d’un jour nouveau certaines interactions survenues dans les premières heures de l’enquête.
QUELQUES PRECISIONS
Le président de Céans fait prêter serment à Julien Akpaki. Il lui demande ensuite d’identifier, parmi les deux prévenus, celui qu’il reconnaît. Julien Akpaki désigne Amoussou Donatien.
— Dans quelles circonstances l’avez-vous connu ?, interroge le président de Céans.
L’ex-DG répond qu’il se trouvait dans son bureau, un vendredi, lorsque Auguste Amoussou (le frère de Donatien Amoussou, Ndlr) est venu lui annoncer que l’ORTB avait diffusé un communiqué relatif à un véhicule. Auguste Amoussou lui aurait déclaré qu’il détenait des informations à transmettre à la Présidence à ce sujet.
Akpaki explique que, l’information étant sensible, il a proposé de le mettre en relation avec un colonel en poste à la Présidence. Il a alors contacté le colonel Koumassègbo, lequel lui a indiqué être indisponible sur le moment. Le lundi suivant, Auguste Amoussou est revenu accompagné de son frère Donatien et d’un Camerounais, prénommé Prizo.
Akpaki précise avoir alors rappelé le colonel, qui lui a demandé de lui envoyer les visiteurs, ce qu’il a fait. Quelques jours plus tard, rapporte Julien Akpaki, Auguste Amoussou l’a informé que son frère avait été interpellé.
Dans sa déposition, Auguste Amoussou affirme avoir déjeuné avec l’ex-DG. À la barre, Akpaki dément : « Ce n’est pas dans mes habitudes d’offrir un repas à quelqu’un que je ne connais pas. »
— Président de Céans : Avez-vous mis M. Auguste Amoussou en contact avec les services de renseignement ?
— Julien Akpaki : Non. Je l’ai uniquement mis en relation avec le colonel Koumassègbo, que je connaissais comme chef de la sécurité.
L’ex-DG de l’ORTB insiste : il ne connaissait pas Auguste Amoussou avant que celui-ci ne l’appelle pour lui dire qu’il détenait des informations sur le véhicule recherché. Lors de cet appel, Auguste lui aurait dit qu’il était de la presse.
— Président de Céans : Étiez-vous informé de la disparition de Dangnivo ?
— Julien Akpaki : En tant que Directeur Général de l’ORTB, j’ai effectivement appris la disparition.
— Président de Céans : Avez-vous fait un lien entre ce véhicule et Dangnivo ?
— Julien Akpaki : Non. Je ne connaissais pas le contenu exact du communiqué diffusé à l’ORTB.
Il répète ne pas connaître Auguste Amoussou, ni se souvenir d’un quelconque repas partagé avec lui ou son frère Donatien. Il affirme l’avoir introduit auprès du colonel Koumassègbo uniquement parce qu’Auguste avait insisté pour transmettre des informations à la Présidence.
Intervention de la partie civile
Une avocate prend la parole : « Comment Auguste Amoussou a-t-il su que ces informations devaient être transmises aux autorités ? »
Julien Akpaki répond que cette question devrait être posée à Auguste lui-même. « Je n’avais pas le communiqué sous les yeux. C’est Auguste qui a dit vouloir aller à la Présidence. »
La partie civile lui rappelle qu’Auguste a déclaré être venu vers lui parce qu’il était DG de l’ORTB, après avoir vu la bande défilante sur la télévision nationale. Akpaki dit ne pas se souvenir si Auguste est passé par son secrétariat ou s’il l’a appelé directement.
— Avez-vous demandé à Auguste où se trouvait le véhicule ?, insiste la partie civile.
— Non. À sa demande, je l’ai introduit pour qu’il aille dire ce qu’il savait, répond Akpaki.
Prise de parole de Me Akplogan, avocat de la défense
— Pouvez-vous nous dire à quel moment l’ORTB a commencé à diffuser ce communiqué ?
— Julien Akpaki : Je peux vaguement situer la période : entre août et septembre.
— Savez-vous qui a envoyé ce communiqué ?
— Non. Je l’ignore.
Julien Akpaki réaffirme que c’est Auguste qui lui a dit détenir des informations sur le véhicule qui serait lié à Dangnivo.
Déclaration de Donatien Amoussou
Donatien Amoussou, présumé complice de Codjo Alofa, intervient à son tour. Il affirme qu’au moment du premier appel de son frère au DG, le téléphone était en haut-parleur. Il soutient qu’Auguste ne s’est pas présenté, donnant ainsi l’impression qu’ils se connaissaient déjà. Selon lui, le DG aurait demandé à Auguste d’envoyer Donatien et Prizo, lesquels se sont effectivement rendus au bureau du DG deux jours plus tard. Donatien indique que Prizo a tout expliqué au DG, qui a alors contacté le colonel Koumassègbo devant eux. Il ajoute que, le soir de l’exhumation, il se trouvait avec son frère et le DG à la place des souvenirs, vers 23h. Il conclut : « Si je voulais transmettre des informations à la Présidence, je ne serais pas passé par Akpaki. Je connais d’autres personnes là-bas, des compagnons d’armes et même un de mes anciens formateurs. »
Réplique de Julien Akpaki
L’ancien DG maintient sa version : « Auguste est venu seul la première fois dans mon bureau. » Il nie avoir été avec Donatien et son frère la nuit de l’exhumation.
13h03 : Fin de la déposition de Julien Akpaki.
La deuxième personne à entendre doit témoigner par visioconférence, mais le dispositif technique n’est pas encore prêt. Le président suspend donc l’audience.
13h18 : Reprise de l’audience
Le président annonce l’audition du Dr Akabassi Ghislain, présenté comme un sachant. Il rappelle que dans ses précédentes déclarations, Alofa avait indiqué avoir administré à Dangnivo une substance appelée Ayokpè, en langue fon.
Le président lui demande de décliner son identité.
— Je suis le Dr Akabassi Ghislain.
Il est docteur en biodiversité et changements climatiques. Il explique que pour son mémoire de Master, il a travaillé sur l’espèce appelée Ayokpè en fon, dont le nom scientifique est Picralima nitida, et qu’il est un spécialiste reconnu de cette espèce au Bénin. Selon lui, à forte dose, cette plante peut devenir nocive car elle accélère la fréquence cardiaque. « C’est une plante utile, mais son usage doit être strictement encadré », avertit-il.
— Président de Céans : Administrée à un adulte, cette plante peut-elle être mortelle ? Si oui, à quelle dose ?
— Dr Akabassi : À forte dose, elle peut détruire des cellules humaines, entraîner une intoxication grave, voire provoquer la mort.
Le président demande ensuite si les bokonons (marabouts en langue fon, au sud du Bénin) utilisent l’Ayokpè. Le docteur répond par l’affirmative. Il précise que dans les zones comme Ifangni ou Sakété, son usage est fréquent chez les tradi-thérapeutes.
Selon lui, en général, les produits naturels ne provoquent pas une perte de conscience immédiate. Il faut un certain temps pour que leurs effets se manifestent. Il précise aussi qu’il faudrait des essais cliniques pour déterminer avec précision la dose létale.
Déclaration d’Alofa
À la barre, Codjo Alofa, principal accusé dans la mort de Pierre Urbain Dangnivo, revient sur ses précédentes déclarations : « Je n’ai pas parlé de Ayokpè, mais de Sokpakpè. » Il affirme que sa première version lui avait été dictée. Il insiste : « Je ne connais pas Dangnivo. La seule vérité dans tout ce que je dis, c’est que je ne sais rien de lui. »
