Ahouèmey, un village d’au moins 1000 âmes situé dans la commune de Tori-Bossito à 40 kilomètres de Cotonou souffre le martyr en plein XXIè siècle. Région reconnue comme fournisseuse de produits agricoles et denrées alimentaires tels le maïs et l’huile de palme, son électrification depuis une soixantaine d’années n’est pas effective. Ceci, au grand regret de ses populations.
Ahouèmè, mariage sacré entre populations et obscurité.
L’accès à l’énergie doit encore faire son chemin au Bénin si tant est que les dirigeants de ce pays subsaharien veulent être en phase avec l’Objectif de développement durable (Odd 7) qui prône « l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et à un coût abordable ». Selon le rapport de suivi consacré aux avancées de l’objectif de développement durable publié par les Nations unies, il ressort que « 789 millions de personnes principalement en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’électricité…. ». Des chiffres qui sans l’ombre d’aucun doute prennent en compte la localité d’Ahouèmè. « Il n’y a jamais eu d’électricité à Tori-Ahouèmè. Depuis que je suis ici, ça fait 50ans, nous travaillons la terre jusqu’à 18h- 19h ensuite nous nous cachons quelque part » confie l’élu local Germain Akondé, également conseiller du chef de village d’Ahouèmè. Pendant qu’il nous parle, nous parcourons le village sous une fine pluie qui n’empêche guerre ces quelques habitants rencontrés de vaquer à leurs occupations champêtres. L’un d’eux rapproché au nom de Bruno Ayivènou ; la quarantaine nous fit savoir « quand nous, jeunes, avions commencé à grandir, nous avons demandé aux autorités de venir éclairer Ahouèmè comme le sont d’autres villages. Mais rien n’a changé. C’est surtout pour les écoles non électrifiées que nous nous plaignons et aussi nos enfants traversent le goudron pour aller à l’école dans le noir» le visage triste et désespéré. Un désespoir qui ne laisse cependant pas les villageois dans l’inertie.
Les habitants du village entre résignation et adaptation.
A l’ère des technologies de l’information et de la communication, il aurait été impensable, voire inimaginable que dans un coin du monde, des gens vivent dépourvus de presque toutes infrastructures de développement et de distraction (eau potable, internet et électricité, etc). A pied, nous parcourons ce petit village sous la conduite éclairée de notre guide. Nous traversons les champs de plusieurs villageois. Un doux et agréable vent accompagne les travailleurs en cette mi-journée peu ensoleillée. Ils fredonnent des chansons de courage et nous saluent d’un geste de main une fois notre passage remarqué. Sur notre chemin nous croisons Alice, grande bassine contenant du maïs sur la tête et en route pour le village voisin. « Je vais à Tori-Bossito comme-çà. Nous n’avons pas le courant électrique ni les machines pour écraser le maïs au village. On est obligé d’aller à bossito. Des fois on y va et il y a coupure. On dépose parfois chez le meunier pour revenir prendre après trois jours. Si on avait pour nous ici, ce serait plus facile ». La situation dure depuis la nuit des temps dans ce village et les craintes vont au-delà du secteur alimentaire. Nul n’est épargné poursuit Alice « j’ai déjà fait 21ans ici et je n’ai jamais vu l’électricité ici. Même à l’école, ils n’y a pas l’électricité. Les grands poteaux électriques qu’ils avaient installés pour le courant, ils nous avaient promis qu’on l’aurait mais rien. Entre 17 ou 18h, les enfants quittent l’école primaire, la seule qu’on a dans le village. Après çà ils dorment sans réviser ni même faire des exercices à cause de l’obscurité. On essaie de gérer avec les petites torches. Et ce n’est pas la joie ».
A Bossito, certains bénéficient quand même de l’électricité.
Il existe dans cette petite contrée tout de même un privilégié qui a le courant électrique. De surcroît celui produit par la Société béninoise d’énergie électrique. Il s’agit du roi de la commune. Sa majesté Gbènan kinidégbé Gbozeka. Seul citoyen proche du village reconnu par les autochtones à avoir le courant domestique ne provenant pas d’un panneau solaire ou d’une autre source électrique. Nous allons au domicile de ce dernier qui se trouve être par là-même, le président du haut conseil des rois des départements de l’Atlantique et du Littoral. Dans le palais de l’autorité coutumière, sa majesté nous confie « je suis content de faire partie des bénéficiaires de l’électricité à Tori bossito. Il y a déjà 20ans que le courant est venu chez moi et c’est un homme de l’armée originaire d’ici qui m’en a fait don. Il s’appelle Kodo Bénoît. Je suis conscient que beaucoup de villages de la commune dontAhouèmey n’ont pas l’électricité. Je discute avec les autres rois sur l’électrification surtout que tous n’ont pas encore le courant électrique. Mon souhait c’est que tous les villages de Tori s’électrifient et je le fais savoir aux autorités chaque fois ». Exit le palais royal pour la demeure de dame Akondé Kinnoumè. Cette notable et représentante des femmes du village qui compte plus de quarante ans de vie dans cet espace géographique nous reçoit avec beaucoup de courtoisie. Mère de famille, nous apercevons dans la cour ses coépouses occupées sous des hangars faites de pailles, à la transformation de la noix de palme en huile de palme. Dame Akondé Kinnoumè nous invite à nous asseoir dans son salon construit en terre battue communément appelé ‘’banco’’. En présence de son mari, elle nous révèle la posture de certaines personnalités politiques rencontrées « on rencontre les autorités et les leaders politiques. Quand on discute avec eux, ils nous font des promesses mais sans retour. Pendant les campagnes électorales on se déplace même pour nous rendre à Allada et Ouidah, afin de parler de nos besoins surtout en électricité. La dernière fois nous avons même eu un accident sur la route sur le chemin du retour ». Même son de cloche chez tous les citoyens rencontrés à commencer par Germain Akondé, conseiller du chef de village « le village ahouèmey n’est pas petit. Nous prions que les autorités se souviennent de nous ››. La doléance est unanime « on salue les autorités et on les prie de nous faciliter l’accès à l’électricité comme ils nous l’ont promis » lance Dame Akondé Kinnoumè avant de conclure: « S’ils ont quelque chose pour Ahouèmey, que ça vienne directement ici. Nous les femmes sommes prêtes à les accompagner ». Sa majesté Gbènan Kinidégbé Gbozeka bien que n’étant pas dans la même situation plaide en faveur de ses administrés et garde espoir que les cris de cœurs ne vont pas tomber dans les oreilles de sourds. Notre départ du village rime avec salutations et prières. Mais le geste le plus remarquable est la bière locale ‘’sodabi’’ dont nous avons été gratifiés comme signe d’au revoir et symbole de remerciement.
Quid du projet d’électrification de TORI BOSSITO.
Au Bénin le Programme d’action du gouvernement 2021-2026 s’investit dans le renforcement et l’extension des réseaux électriques dans les localités urbaines et périurbaines. Plusieurs projets sont en cours sur l’axe Allada-Tori-Bossito-Pahou pour le renforcement de la ligne Hta 20Kv en 148 mm2. Bien que le village d’Ahouèmey ne soit encore impacté par ces derniers, il est prévu avant 2026 le développement des énergies renouvelables hors-réseau dans plusieurs périphéries éloignées et dépourvues de courant électrique. Bientôt la fin du calvaire au village d’Ahouamey qui peut se frotter les mains et espérer faire partie de ces futurs territoires bénéficiaires du courant électrique, du moins, si dame nature est clémente !
Cédric MOMBI
Très belle réalisation ! Tori semble vraiment être délaissé. Si les autorités peuvent penser à cette cité ce serait très bien. Le dire et le faire ça fait 2 !