Le Ddpr Ouémé et un agent de la police Républicaine s’offrent en spectacle gratuit à Porto-Novo le samedi dernier devant un public éberlué au Carrefour Catchi.
Selon les propos recueillis par Alexandre COOVI, la scène était pour le moins insolite et d’une incongruité rarissime. Un homme en civil avec une femme, à bord d’un véhicule personnel, réclame avec insistance à un agent de la police en faction à un carrefour, son téléphone portable. Celui-ci refuse d’obtempérer. L’homme au volant descend et réussit à embarquer l’homme en uniforme et démarre en trombe. C’était le samedi 5 novembre dernier devant des passants et autres curieux profondément interloqués, abasourdis qui n’en croyaient pas à leurs yeux.
Tenez-vous bien ! Nous ne sommes pas à Bollywood ou à Nollywood. Encore moins, à Hollywood. Nous sommes bel et bien en plein cœur de la capitale de la République du Bénin, Porto-Novo en 2022.
Après nos investigations, les acteurs étaient tous deux des flics de la Police Républicaine du Bénin. Le premier, c’est le Directeur départemental de la police Républicaine de l’Ouémé, le Divisionnaire de police, Dieudonné Djaho. Le second, c’est l’agent de police, Séverin Houevossavi de l’unité de musique (orchestre) de la police Républicaine.
Selon les informations parvenues à notre rédaction, ce dernier, c’est-à-dire l’agent, était détaché d’une autre unité pour une mission de dissuasion et en appui au dispositif de terrain en place à Porto-Novo. Par conséquent, il ne connaissait pas le monsieur en civil au volant qui lui intimait l’ordre de lui remettre son portable mais qui, en réalité, était son chef hiérarchique, en l’occurrence, le Directeur départemental. Raison pour laquelle, il avait refusé de s’exécuter après lui avoir demandé de s’identifier. A peine a-t-il fini sa question que le DDPR aurait surgi sur lui, tentant de le maîtriser pour le jeter dans le véhicule. C’est en ce moment que son collègue avec qui il était en poste, revenu des toilettes, aurait reconnu « l’assaillant » comme étant le Ddpr et lui recommanda de lui remettre le portable. Ce qui évita de justesse une altercation entre lui et ce dernier qui l’a tiré, l’a trainé avant de le jeter dans le véhicule. Il constata plus tard que sa tenue dans la foulée, était déchirée. Le Directeur l’aurait conduit ensuite à la Direction départementale où il aurait demandé aux éléments de garde de le maîtriser. C’est alors qu’il l’aurait roué de plus belle, de coups de poing avant de le jeter en local disciplinaire.
Son tort aurait été d’être surpris en train d’échanger au téléphone avec son épouse plutôt souffrante.
Faux et archi faux !, rétorque le Directeur départemental de la police républicaine de l’Ouémé qui rejette en bloc toutes ces allégations. Pour le Divisionnaire de police Dieudonné Djaho, joint au téléphone par notre rédaction, l’agent de police ne saurait affirmer qu’il ne le connaissait pas depuis un an maintenant qu’il est à la tête de la Direction départementale. « Ils me connaissent tous très bien », a-t-il fait savoir en substance, avant d’insister qu’ « étant donné qu’une fois mis à ma disposition par note de service, c’est moi qui les envoie sur les carrefours, il me connait parfaitement », a-t-il déduit. A preuve, une fois dans le véhicule, selon le Divisionnaire de police, l’agent aurait dit en langue Tori, « c’est le Directeur qui veut prendre mon portable et j’ai refusé catégoriquement », croyant qu’il ne comprend pas la langue. Il souligne que c’est de l’insubordination hiérarchique. Il veut plutôt dramatiser les faits à dessein, estime-t-il. « Je suis dans mes droits et j’agis en fonction des textes », rappelle le Directeur qui renchérit que les agents sont disposés sur les carrefours pour une mission précise et non pour être sur les portables. Ils doivent marcher sur les ordres et observer le règlement de discipline. C’est des instructions qui sont reçues pour tout policier qui a portable au carrefour, a déclaré le Directeur.
Pour en venir aux faits, le Directeur départemental serait selon lui, à sa troisième tournée quand il a constaté que l’agent avait toujours la tête dans son portable. C’est alors qu’il s’est arrêté, a baissé la vitre et lui a réclamé son portable. Il a refusé. Alors, il est descendu et lui a demandé s’il le connait. L’agent aurait répondu : « oui, je vous connais, mais je ne vous donne pas mon portable, Directeur ». « Je lui ai dit qu’on est au bord de la voie, de rentrer dans le véhicule. Il voulait m’humilier, je l’ai tiré dans le véhicule et j’ai fermé et j’ai dit, on y va . La scène n’a même pas duré une minute. Est-ce cela violenter ? », s’est demandé le Colonel de l’ex gendarmerie béninoise, Dieudonné Djaho. Concernant les coups qu’il lui aurait donnés à la Direction, il recommande à son subalterne de saisir la justice et d’en apporter les preuves. « Je suis fou ?, s’est-il demandé.
En attendant de revenir sur ce dossier qui en rajoute à l’atmosphère de méfiance qui régnait entre agents et leur patron à la DDPR Ouémé, posons-nous quelques questions. L’agent Séverin Houevossavi de l’unité de musique de la police républicaine chargée d’animer au cours des cérémonies officielles, donc pas un agent de terrain, mais détaché exclusivement pour une mission de dissuasion, connaissait-il vraiment le DDPR? Tous les policiers en service dans le département de l’Ouémé connaissent ils le DDPR ? Le Divisionnaire Djaho était il obligé de descendre et de forcer l’agent à lui remettre son téléphone au point de le tirer de force jusqu’à le jeter dans son véhicule personnel ? N’avait-il pas la possibilité d’inviter cet agent à son bureau pour le sanctionner, au besoin? Quelle image de la police offrent ainsi les deux flics aux populations ? Et si le binôme de l’agent n’avait pas reconnu aussi le DDPR, le pire ne pouvait-il pas arriver, surtout en ces temps de menaces terroristes ?
Jean-Luc DESSOUASSI