Démographie et développement au Bénin

Migrations internes : un enjeu sous-estimé qui freine le progrès économique

(Des flux de populations invisibles et mal mesurés empêchent l’État de maximiser les opportunités du dividende démographique.)

Les mouvements internes des populations béninoises sont largement sous-estimés et peu contrôlés. Selon une étude réalisée en 2019 par le Consortium Régional pour la recherche en Économie Générationnelle (CREG) en collaboration avec l’Institut National de la Statistique et de la Démographie, le taux de migration interne au Bénin est de seulement 3,3%. Ce chiffre, bien qu’officiel, ne reflète pas la réalité des déplacements massifs constatés sur le terrain.

Florent Dossou, expert-consultant en dividende démographique, juge ce pourcentage préoccupant : « C’est un pourcentage très faible qui tire notre pays vers le bas ». Pourtant, les observations montrent une activité intense de déplacements entre localités.

Une réalité masquée par l’absence de données fiables

La définition de la migration interne, selon l’Enquête Démographique et de Santé (EDS 2017-2018), englobe tout changement de résidence à l’intérieur du pays. En pratique, ce phénomène est omniprésent : de nombreux Béninois se déplacent chaque jour grâce à un réseau dense de compagnies de transport et de taxis.

Les gares routières des grandes villes comme Cotonou, Bohicon, Parakou et Natitingou en témoignent. « Ici, on ne dort pas. Les clients arrivent à toute heure », affirme un responsable de parc à Cotonou. Sur l’axe Cotonou-Parakou, une seule compagnie transporte quotidiennement entre 500 et 800 passagers. Au total, on estime qu’environ un million de Béninois se déplacent chaque jour à l’intérieur du territoire.

Cependant, ces flux importants échappent aux statistiques officielles. « Lors des déplacements internes, les Béninois ne se font pas enregistrer, ce qui fausse les données », explique Florent Dossou.

Un défi pour le développement local

L’absence de données fiables constitue un frein à une planification efficace des investissements publics. « Cela ne permet pas au gouvernement de savoir sur quelle sous-dimension investir dans les différentes localités », déplore l’expert.

Les migrations internes jouent pourtant un rôle clé dans le développement économique, favorisant les échanges et la redistribution des ressources entre régions. Leur invisibilité statistique empêche l’État d’en exploiter tout le potentiel.

Repenser le contrôle des migrations internes

Pour mieux évaluer et contrôler les mouvements de population, Florent Dossou propose des solutions innovantes :

  1. Exploiter les infrastructures existantes : Les péages routiers pourraient intégrer un dispositif de collecte d’empreintes digitales pour enregistrer les déplacements des passagers.
  2. Renforcer les formalités administratives : Obliger les voyageurs à fournir des ordres de mission ou des pièces d’identité dans les commissariats pourrait contribuer à la traçabilité des migrations.

Ces mesures, associées à une étude approfondie, permettraient d’élaborer de nouveaux outils de collecte et de réévaluer le taux de migration interne au Bénin.

Vers une politique migratoire adaptée

Le contrôle des migrations internes doit devenir une priorité nationale. En investissant dans des dispositifs modernes de suivi, le Bénin pourrait mieux répondre aux besoins de ses populations, stimuler son économie locale et, à terme, capturer pleinement son dividende démographique.

Sylvanus NOUGNIMON

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